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Le président algérien annule sa visite en France : des relations toujours plus tendues entre Paris et Alger

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a officiellement annoncé qu’il n’effectuera pas la visite en France prévue pour octobre, marquant une nouvelle escalade dans les tensions entre les deux pays. Les relations diplomatiques entre Alger et Paris se sont considérablement dégradées depuis l’été 2023, suite à la décision de la France de soutenir le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Une décision qui a provoqué la colère du régime algérien, farouchement opposé à cette initiative. L'Algérie a immédiatement rappelé son ambassadeur et réduit sa représentation diplomatique en France.
« Je n’irai pas à Canossa »
C’est lors d’une interview télévisée, samedi, que Tebboune a prononcé cette phrase qui résonne comme un refus catégorique de se plier à toute forme de concession : « Je n’irai pas à Canossa ». Une référence à l’épisode historique du Moyen Âge où l’empereur Henri IV fut contraint de se soumettre au pape à Canossa, symbole d’humiliation pour Tebboune. Ce dernier a rejeté toute idée de compromis avec la France tant que les dossiers sensibles, notamment mémoriels, ne seront pas traités de manière satisfaisante selon le régime algérien.
Le principal point de discorde actuel réside dans le soutien apporté par Paris à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Pour l’Algérie, qui soutient le Front Polisario, ce soutien est perçu comme une trahison de la part de la France, qui était historiquement plus neutre sur la question. En réponse, le régime algérien a intensifié sa rhétorique anti-française et maintient une ligne dure dans ses relations avec Paris.
Le « grand remplacement » de l’Algérie évoqué par Tebboune
Au-delà du conflit diplomatique, Tebboune a également profité de cette interview rapportée par Le Figaro pour aborder des sujets plus historiques, évoquant notamment la colonisation française et la notion de « grand remplacement ». Selon lui, « l’Algérie a été choisie pour le grand remplacement, le vrai grand remplacement », où la France aurait cherché à « chasser la population locale pour ramener une population européenne, avec des massacres, avec une armée génocidaire ».
Ces déclarations rappellent que la question mémorielle reste au cœur des tensions entre les deux nations. Tebboune a réaffirmé la demande de l’Algérie pour une reconnaissance officielle des crimes commis par la France pendant la colonisation, évoquant un « génocide » perpétré par l’armée française. Ce terme lourd de sens, souvent employé par les régimes autoritaires pour galvaniser le sentiment national, est utilisé par Tebboune pour maintenir une posture intransigeante face à la France.
Essais nucléaires en Algérie : une plaie non cicatrisée
Autre point de tension soulevé par le président algérien, les essais nucléaires réalisés par la France dans le désert du Sahara entre 1960 et 1966. Tebboune a sommé la France de « venir nettoyer les sites des essais nucléaires », soulignant que les retombées radioactives affectent encore aujourd’hui une large partie de l’Afrique de l’Ouest et même le sud de l’Europe. Ces essais demeurent un sujet très sensible en Algérie, où de nombreux citoyens continueraient de souffrir des conséquences sanitaires et environnementales de ces explosions.
L’accord franco-algérien de 1968 dans la ligne de mire
Enfin, le président algérien a abordé l’accord franco-algérien de 1968, qui accorde des avantages particuliers aux Algériens résidant en France en matière de droits de circulation, de séjour et d’emploi. Ce texte, régulièrement critiqué par les partis de droite en France, est vu par Tebboune comme un bouc émissaire pour les « extrémistes » français. Malgré des tentatives de révision par certains députés, cet accord n’a pas été abrogé, mais il reste un point de crispation dans les débats sur l’immigration.
En décembre 2023, l’Assemblée nationale avait rejeté un projet de loi déposé par Les Républicains visant à dénoncer cet accord, signe de la complexité du dossier. Pour l’Algérie, il s’agit d’un texte symbolique qui garantit certains droits spécifiques à ses ressortissants, tandis que pour une partie de la classe politique française, il représente une anomalie juridique qui n’a plus lieu d’être dans le contexte actuel de crise migratoire.
Une impasse diplomatique
La décision de Tebboune de ne pas se rendre en France, loin d’être une surprise, confirme que les relations entre Paris et Alger sont dans une impasse. Tant que la question du Sahara occidental et les revendications mémorielles ne seront pas résolues, il est peu probable que des progrès significatifs soient réalisés.
L’annulation de cette visite, qui devait marquer un rapprochement entre les deux pays, montre que le fossé est encore large. La France, de son côté, semble vouloir maintenir sa position sur le Sahara occidental, tout en espérant éviter une rupture totale avec l’Algérie, pays clé pour la stabilité régionale, la lutte contre l’immigration et la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais sans compromis de part et d’autre, les perspectives d’un apaisement à court terme restent très limitées.
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2 commentaires
Bitter red pill
Certains peuples ne reconnaissent que la force, c’est culturel. Ils feront touts les simagrées, touts les râles, toutes les postures pour obtenir ce qu’ils veulent. Et honnêtement à part R!, je ne vois pas grand monde capable de tenir tête.
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