Immigration
Canaries : l’archipel espagnol submergé par un afflux de migrants mineurs

Depuis le début de l’année 2024, les îles Canaries, situées à proximité des côtes africaines, sont confrontées à une crise migratoire sans précédent. Avec plus de 40 000 migrants ayant atteint l’archipel, dont un nombre croissant de mineurs non accompagnés, les infrastructures locales sont débordées et les ressources limitées. En plein cœur de cette tourmente, les autorités locales et le gouvernement espagnol peinent à trouver des solutions pérennes pour gérer ce flux incessant de clandestins, qui place les Canaries au bord de l’effondrement.
La situation des migrants mineurs
Parmi les migrants qui arrivent quotidiennement aux Canaries, un pourcentage important est composé de mineurs non accompagnés, souvent âgés de 12 à 18 ans. Originaires de pays comme le Mali, le Sénégal ou le Maroc, ces jeunes traversent l’Atlantique dans des conditions particulièrement périlleuses. Le témoignage de Mohmed, un garçon de 15 ans originaire de Gambie, décrit des épreuves qu’ils endurent. « Chaque nuit, depuis qu’il est arrivé, on entend ses pleurs », confie Gabriel Orihuela, directeur du centre pour mineurs de Tindaya à Las Palmas, au journal Le Monde. Mohmed a vu deux compagnons de voyage sombrer dans l’océan lors de la traversée.
Ces jeunes sont pris en charge par des centres spécialisés comme celui de Tindaya, où ils sont suivis par des psychologues et reçoivent une éducation. Cependant, ces centres, censés accueillir 50 enfants au maximum, doivent parfois en héberger jusqu’à 80 pour répondre à l’urgence. Cette surcharge compromet la qualité de l’encadrement et rend encore plus difficile leur intégration.
Trop de migrants : les infrastructures au bord de la rupture
Le gouvernement des Canaries, dirigé par une coalition entre la Coalition canarienne (CC) et le Parti populaire (PP), tire la sonnette d’alarme. Alfonso Cabello, porte-parole du gouvernement canarien, explique que le système est « au bord de l’effondrement » avec 5 500 mineurs isolés pris en charge. En seulement treize mois, le nombre de centres d’accueil est passé de 28 à 81, mais cela ne suffit plus à gérer la situation. Le coût pour les Canaries s’élève à 14 millions d’euros par mois, un fardeau financier pour une région qui n’a pas encore reçu de soutien significatif du gouvernement central.
Un protocole controversé
Face à l’inaction du gouvernement de Pedro Sanchez, les autorités des Canaries ont adopté en septembre un protocole qui leur permet de refuser de prendre en charge les mineurs non identifiés par la police nationale, ou si les centres d’accueil sont saturés. Cette décision a provoqué des critiques et a été suspendue par la justice. Le gouvernement central a repris les négociations pour mettre en place un plan de répartition des mineurs sur la péninsule espagnole.
Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a annoncé fin septembre une aide de 14 millions d’euros pour aider les Canaries à gérer cette crise, mais beaucoup craignent que cela ne soit qu’un pansement sur une plaie béante. Les autorités locales réclament une répartition plus équitable des mineurs entre les différentes régions espagnoles, un projet de loi rejeté en juillet par le Parlement.
Un reportage de Frontières sur place
Notre directeur de la rédaction, Erik Tegnér, s’est rendu sur place en avril dernier pour un reportage exclusif, mettant en lumière la réalité des arrivées massives de migrants sur l’île d’El Hierro, l’une des plus petites îles des Canaries. À son arrivée, il a pu constater l’organisation bien rodée des opérations de sauvetage des garde-côtes et de la Croix-Rouge, qui s’activent pour prendre en charge les migrants à leur arrivée. Pourtant, cette gestion efficace masque une réalité plus sombre : l’absence de contrôle réel des frontières européennes et la complicité des gouvernements africains, qui voient dans cette vague migratoire un levier politique et financier.
La crise des migrants au cœur des débats
Alors que l’immigration devient la principale préoccupation des Espagnols, selon un sondage récent, les tensions politiques s’exacerbent. Le chef de l’opposition, Alberto Nuñez Feijoo (PP), s’est rendu en Italie pour saluer la politique migratoire de Giorgia Meloni, tandis que Vox propose des mesures radicales comme l’envoi de la marine espagnole pour patrouiller dans l’Atlantique. Dans ce contexte, les Canaries, devenues le nouveau Lampedusa, sont au cœur d’une crise migratoire qui ne cesse de s’aggraver, avec des conséquences humanitaires, économiques et politiques majeures.
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